Jambon
Dans le film Jambon, Babeth Rambault met en scène une tranche dudit aliment, parfaitement calibrée, au rose suspect, épaisse et sans couenne. Cette dernière se déroule, telle une langue, sur un sol en terrazzo au motif gras, dont les éclats de marbre rappellent ses contours plus ou moins ovales. Comme souvent chez l’artiste, c’est bien un détail, un mouvement qui est à l’origine de l’œuvre. Ici le déroulement nonchalant de la tranche qui, au cours de ses nombreux « dépliages », se déploie de façon plus ou moins rapide en raison de son adhérence au support froid. À l’image des techniques les plus primitives du cinéma, une voix au ton monocorde, et pour le moins appliquée, accompagne les mouvements, les double de sa parole. Elle s’évertue à ajuster sa voix avec beaucoup de sérieux, au regard de l’étirement de la charcuterie. Le commentaire vocal n’apporte donc nulle autre information que le seul nom de l’aliment que nous observons se mouvoir à l’écran. L’endurance de la répétition, le rythme créé en dépit de toute expression des sentiments, confère à l’apprentissage d’une langue abstraite. Le vertige linguistique procuré par la platitude d’une tranche de jambon, illustre l’esprit avec lequel l’artiste s’attache à transporter vers un ailleurs, les phénomènes les plus insignifiants et quotidiens.
L’ŒUVRE
L' ARTISTE