Le diptyque Les Bambous / La Fenêtre a été réalisé dans le cadre d’une exposition personnelle à la Zoo Galerie, à Nantes en décembre 2014. Intitulée La Vie Héroïque de B.S. - Acte III : Les sirènes de Corinthe, cette exposition venait clôturer le cycle du projet La Vie Héroïque de B.S., mettant en scène le parcours d’investigation d’un personnage omniscient. Designer, conscient des enjeux de son époque, B.S. porte un regard analytique sur les expériences fonctionnalistes du XXe siècle, des avant-gardes modernes jusqu’aux fondements esthétiques de l’American Way of Life en passant par les utopies Do It Yourself. Ses certitudes, son assurance et son manque de recul sur ses objets d’étude en font un personnage maladroit et bonimenteur dont l’esprit conquérant confine parfois au pathétique.Devenu mystique au fil des chapitres, il s’embarque dans un voyage initiatique en Grèce pour comprendre les conditions d’apparition et de conceptualisation d’une forme manufacturée première : la colonne dorique. Comment dans cette région aride, de pierre et de poussière, a-t-on pu élaborer une forme aussi pure ?Les deux œuvres issues de ce chapitre étaient présentées au mur, à l’arrière-plan du décor de l’exposition. Composées d’une découpe de papier peint contrecollée sur toile, elles représentent un paysage désertique enregistré sur smartphone à Zabriskie Point en Californie, qui rend un hommage discret au film éponyme de Michelangelo Antonioni. Sur ces papiers, sont peintes en noir des formes renvoyant à l’esthétique moderniste, sujet central de l’ensemble du projet. Ain-si, l’une figure une haie de bambous que l’on image dans une villa de l’architecte américain Richard Neutra et l’autre, une persienne et un store californien, icônes de l’architecture moder-niste domestique.Cette articulation entre décor, objet, œuvre, film constitue le cœur même de la pratique d’Hoël Duret.
Hoël Duret écrit les récits picaresques de notre décennie finissante, celle d’une lente et confuse sortie de l’anthropocentrisme. Là, les loosers magnifiques ne sont plus uniquement des marginaux ayant décidé par refus des systèmes établis de se placer hors-jeu. Ils préfigurent de notre sort à tous, humains diminués et désemparés, engourdis par l’habitude au long cours de conquérir et d’asservir, et désormais propulsés dans un monde à nouveau sauvage. Désormais, l’alternative est la suivante : s’allier avec les autres vivants ou s’étioler lentement avant de disparaître totalement.Dans un monde rendu à l’état de totalité inorganisée, les narrateurs de l’artiste sont tour à tour designer (La Vie Héroïque de B.S., 2013-2015), câble de fibre optique doté de conscience (UC-98, 2016-2018), journaliste reporter (Too Dumb to Fail, 2018), aventurier peureux (Life is old there, 2019) ou tout simplement, comme dans le dernier projet en date, artiste (low, 2020). Autour de l’armature d’un récit mené sur plusieurs chapitres, Hoël Duret vient brosser par petites touches un écosystème composé de multiples personnages et de leurs points de vue choraux. L’entreprise est totalisante, presque wagnérienne. [Ingrid Luquet-Gad]